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Carême - L'eau passe

Maurice Carême

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
Par Julos Beaucarne




Maurice Carême - (1899-1978)


L'eau passe

Comment retenir ce qui passe
Et fuit plus fluide que l’eau?
Ah! Que nos mains sont vite lasses
De parfaire de vains travaux

À l’aube d’hiver qui s’allume
Quel songe étreint mais décevant
Et saurons-nous ce que nous fûmes
Paille battue ou graine au vent

Nous avançons dans les brouillards
Devinant à peine nos frères
À cette trace de lumière
Qui reste prise en leur regard

Comment retenir ce qui passe
Et fuit plus fluide que l’eau?
Ah! Que nos mains sont vite lasses
De parfaire de vains travaux



Du même auteur :
Du bleu
Il pleut doucement, ma mère
L'eau passe
La reine de coeur
La tour Eiffel
Le carafon
Le givre
Les anges musiciens

Gautier - Villanelle rythmique

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Susan Graham
Composition : Hector Berlioz




Théophile Gautier - (1811-1872)


Villanelle rythmique

Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux, nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet au bois ;
Sous nos pieds égrenant les perles
Que l’on voit au matin trembler,
Nous irons écouter les merles
Siffler.

Le printemps est venu, ma belle,
C’est le mois des amants béni,
Et l’oiseau, satinant son aile,
Dit ses vers au rebord du nid.
Oh ! viens donc sur le banc de mousse
Pour parler de nos beaux amours,
Et dis-moi de ta voix si douce :
« Toujours ! »

Loin, bien loin, égarant nos courses,
Faisons fuir le lapin caché
Et le daim au miroir des sources
Admirant son grand bois penché ;
Puis chez nous tout heureux, tout aises,
En panier enlaçant nos doigts,
Revenons rapportant des fraises
Des bois.


Marot - Quand vous voudrez faire une amie

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Jacques Douai
Compositeur Roger Calmel




Clément Marot (1496-1544)


Quand vous vouldrez faire une Amye

Quand vous voudrez faire une amie,
Prenez-la de belle grandeur,
En son esprit non endormie,
En ses appâts, bonne rondeur;
Douceur
En cœur,
Langage
Bien sage,
Dansant, chantant par bons accords
Et ferme de cœur et de corps.

Si vous la prenez trop jeunette,
Vous en aurez peu d'entretien.
Pour durer, prenez la brunette,
En bon point, d'assuré maintien.
Tel bien
Vaut bien
Qu'on fasse
La chasse
Du plaisant gibier amoureux:
Qui prend telle proie est heureux.


Marot - Du conflit en douleur


Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Georges Enesco
Interprète : Yolanda Marculescu


Clément Marot (1496-1544)


Du conflit en douleur

Si j'ai du mal, malgré-moi je le porte;
Et s'ainsi est qu'aucun me réconforte,
Son réconfort ma douleur point n'appaise;
Voilà comment je languis en malaise,
Sans nul espoir de liesse plus forte.
Et faut qu'ennui jamais de moi ne sorte,
Car mon état fut fait de telle sorte
Dès que fus né; pourtant ne vous déplaise
Si j'ai du mal.

Quant je mourrai ma douleur sera morte;
Mais cependant mon pauvre cœur supporte
Mes tristes jours en fortune mauvaise,
Dont force m'est que mon ennui me plaise,
Et ne faut plus que je me déconforte
Si j'ai du mal.


Eluard - Notre vie

Gala, muse d'Eluard par Dali
Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Gérard Pitiot



Paul Eluard (1895-1952)


Notre vie

Nous n'irons pas au but un par un mais par deux
Nous connaissant par deux nous nous connaîtrons tous
Nous nous aimerons tous et nos enfants riront
De la légende noire où pleure un solitaire


Hugo - J'aime l'araignée

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Alain Lecompte



Victor Hugo (1802-1885)


J'aime l'araignée

J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;

Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,

Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !


Prévert - Barbara

La rue de Siam à Brest avant 1940

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Les Frères Jacques
Composition : Joseph Kosma




Jacques Prévert - (1900-1977)


Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sur la mer
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.


Prévert - La chasse à l'enfant

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Les Frères Jacques
Composition : Joseph Kosma




Jacques Prévert - (1900-1977)


La chasse à l'enfant

Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements

Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant

Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant

Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau.


La Fontaine - Le Lièvre et la Tortue

                Illustration de Valentin Foulquier (1822-1896)

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : J.M. et Anny Versini
Composition : Jean-Marc Versini
Ecouter sur DEEZER
La version Jazz
de Patrick Abrial





Jean de la Fontaine - (1621-1695)


Le Lièvre et la Tortue

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point
Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Etes-vous sage ?
Repartit l’animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d’ellébore.
- Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,
Ni de quel juge l’on convint.
Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ;
J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint
Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D’où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s’évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu’il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s’amuse à toute autre chose
Qu’à la gageure. A la fin quand il vit
Que l’autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l’emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?



Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Les Frères Jacques
Composition : Jacques Dieval

Gautier - Seguidille


La version de Manuel de Falla interprétée par Philippe Jaroussky

Ecouter sur DEEZER
La version d'Isaac Albeniz
Interprétée par Marisa Martins




Théophile Gautier (1811-1872)


Seguidille

Un jupon serré sur les hanches,
Un peigne énorme à son chignon,
Jambe nerveuse et pied mignon,
Oeil de feu teint pâle et dents blanches,
Alza! Ola! Voilà! La véritable manola!

Gestes hardis, libre parole,
Sel et piment à pleine main,
Oubli parfait du lendemain,
Amour fantasque et grâce folle,
Alza! Ola! Voilà! La véritable manola!

Chanter, danser aux castagnettes,
Et dans les courses de taureaux,
Juger les coups des toreros,
Tout en fumant des cigarettes,
Alza! Ola! Voilà! La véritable manola!



Carco - Le doux caboulot

    Auguste Renoir - Le déjeûner des canotiers

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Juliette Gréco
Musique de Jacques Larmanjat



Francis Carco (1886-1958)


Le doux caboulot

Le doux caboulot
Fleuri sous les branches
Est tous les dimanches
Plein de populo.

La servante est brune,
Que de gens heureux
Chacun sa chacune,
L'une et l'un font deux.

Amoureux épris du culte d'eux-mêmes.
Ah sûr que l'on s'aime,
Et que l'on est gris.

Ça durera bien le temps nécessaire
Pour que Jeanne et Pierre
Ne regrettent rien.



Du même auteur :
Au pied des tours de Notre-Dame
Bohème
Chanson Tendre
Complainte
Il pleut
Le doux caboulot
Les fiacres
Nuits d'hiver
Rengaine
Ton ombre

Gautier - Le spectre de la rose

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Susan Graham
Composition : Hector Berlioz




Théophile Gautier - (1811-1872)


Le spectre de la rose

Soulève ta paupière close
Qu'effleure un songe virginal;
Je suis le spectre d'une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d'argent de l'arrosoir,
Et, parmi la fête étoilée,
Tu me promenas tout le soir.

Ô toi qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser,
Toutes les nuits mon spectre rose
À ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De Profundis;
Ce léger parfum est mon âme,
Et j'arrive du paradis.

Mon destin fut digne d'envie,
Et pour avoir un sort si beau,
Plus d'un aurait donné sa vie,
Car sur ton sein j'ai mon tombeau,
Et sur l'albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Écrivit: "Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser."


Jammes - Prière

Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Arthur Honegger
Interprète Jean-François Gardeil


Francis Jammes (1868-1938)


Prière

Mon Dieu, vous m'avez appelé parmi les hommes,
Me voici, je souffre et j'aime.
J'ai parlé avec la voix que vous m'avez donnée,
J'ai écrit avec les mots que vous avez enseignés
A ma mère et à mon père, qui me les ont transmis.
Je passe sur la route comme un âne chargé
Dont rient les enfants et qui baisse la tête.
Je m'en irai où vous voudrez, quand vous voudrez.
L'Angelus sonne.



Du même auteur :
Entre (L'évier sent fort)
Je garde une médaille d'elle
Laisse les nuages
Le vent triste
Nous nous aimerons tant
Prière
Prière à Marie

Béranger - Le vieux vagabond

Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Pierre Jean de Béranger
Interprète : Arnaud Marzorati



Pierre Jean de Béranger (1780-1857)


Le vieux vagabond

Dans ce fossé cessons de vivre,
Je finis vieux, infirme et las.
Les passants vont dire: il est ivre!
Tant mieux: Ils ne me plaindront pas.
J'en vois qui détournent la tête;
D'autres me jettent quelques sous.
Courez vite; allez à la fête,
Vieux vagabond, je puis mourir sans vous.

Oui, je meurs ici de vieillesse,
Parce qu'on ne meurt pas de faim.
J'espérais voir de ma détresse
L'hôpital adoucir la fin.
Mais tout est plein dans chaque hospice,
Tant le peuple est infortuné.
La rue, hélas! fut ma nourrice:
Vieux vagabond, mourons où je suis né.

Aux artisans, dans mon jeune âge,
J'ai dit: qu'on m'enseigne un métier.
Va, nous n'avons pas trop d'ouvrage,
Répondaient-ils; va mendier.
Riches qui me disiez: Travaille,
J'eus bien des os de vos repas;
J'ai bien dormi sur votre paille:
Vieux vagabond, je ne vous maudis pas.

J'aurais pu voler, moi pauvre homme;
Mais non: mieux vaut tendre la main:
Au plus, j'ai dérobé la pomme
Qui mûrit au bord du chemin.
Vingt fois pourtant on me verrouille
Dans les cachots, de par le roi.
De mon seul bien l'on me dépouille:
Vieux vagabond, le soleil est à moi.

La pauvre a-t-il une patrie?
Que me font vos vins et vos blés,
Votre gloire et votre industrie,
Et vos orateurs assemblés?
Dans vos murs ouverts à ses armes,
Lorsque l'étranger s'engraissait,
Comme un sot j'ai versé des larmes:
Vieux vagabond, sa main me nourrissait.

Comme un insecte, fait pour nuire,
Hommes, que ne m'écrasiez vous?
Ah! plutôt deviez m'instruire
A travailler au bien de tous.
Mis à l'abri du vent contraire
Le ver fût devenu fourmi;
Je vous aurais chéris en frère:
Vieux vagabond, je meurs votre ennemi.



Du même auteur :
La mort du diable
La petite fée
Laideur et beauté
Le cinq mai
Le grillon
Le vieux vagabond
Les adieux de Marie Stuart
Ma République
Mon habit
Waterloo

Musset - Aubade

        Les très riches heures du Duc de Berry
        Chasse au faucon


Ecouter sur DEEZER
Interprète : John Eliot Gardiner
Compositeur : Hector Berlioz




Alfred de Musset - (1810-1857)

Premières Poésies


Assez dormir ma belle

Assez dormir, ma belle,
Ta cavale Isabelle
Hennit sous tes balcons,
Vois tes piqueurs alertes,
Et sur leurs manches vertes
Les pieds noirs des faucons.

Vois écuyers et pages,
En galants équipages,
Sans rochet ni pourpoint,
Têtes chaperonnées,
Trainer les haquenées,
Leur arbalète au poing.

Vois bondir dans les herbes
Les lévriers superbes,
Les chiens trapus crier.
En chasse, et chasse heureuse!
Allons, mon amoureuse,
Le pied dans l'étrier!

Et d'abord, sous la moire,
Avec ce bras d'ivoire
Enfermons ce beau sein,
Dort la forme divine,
Pour que l'oeil la devine,
Reste aux plis du coussin.

Oh! sur ton front qui penche,
J'aime à voir ta main blanche
Peigner les cheveux noirs;
Beaux cheveux qu'on rassemble
Les matins, et qu'ensemble
Nous défaisons les soirs!

Allons, mon intrépide,
Ta cavale rapide
Frappe du pied le sol,
Et ton bouffon balance,
Comme un soldat sa lance,
Son joyeux parasol!

Mets ton écharpe blonde
Sur ton épaule ronde,
Sur ton corsage d'or,
Et je vais, ma charmante,
T'emporter dans ta mante,
Comme un enfant qui dort!


Felix Leclerc - Moi mes souliers

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Felix Leclerc



Felix Leclerc (1914-1988)


Moi mes souliers

Moi mes souliers ont beaucoup voyagé
Ils m'ont porté de l'école à la guerre
J'ai traversé sur mes souliers ferrés
Le monde et sa misère

Moi mes souliers ont passé dans les prés
Moi mes souliers ont piétiné la lune
Puis mes souliers ont couché chez les fées
Et fait danser plus d'une.

Sur mes souliers y'a de l'eau des rochers
D'la boue des champs et des pleurs de femmes
J'peux dire qu'ils ont respecté le curé
L'pays l'bon Dieu et l'âme

S'ils ont marché pour trouver l'débouché
S'ils ont traîné de village en village
Suis pas rendu plus loin qu'à mon lever
Mais devenu plus sage

Tous les souliers qui bougent dans les cités
Souliers de gueux et souliers de reines
Un jour cesseront d'user les planchers
Peut être cette semaine

Non mes souliers n'ont pas foulé Athènes
Moi mes souliers ont préféré les plaines
Quand mes souliers iront dans les musées
Ce sera pour s'y s'y accrocher

Au paradis parait-il mes amis
C'est pas la place pour les souliers vernis
Dépêchez-vous de salir vos souliers
Si vous voulez être pardonnés
Si vous voulez être pardonnés



Du même auteur :
La mort de l'ours
Le loup
Le petit bonheur
Les perdrix
Moi mes souliers
Notre sentier

Lamartine - Au rossignol

                                      Rossignol japonais

Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Charles Gounod
Interprète : Suzanne Danco




Alphonse de Lamartine - (1790-1869)

Harmonies poétiques et religieuses


Au rossignol

Quand ta voix céleste prélude
Au silence des belles nuits,
Barde ailé de ma solitude
Tu ne sais pas que je te suis !

Tu ne sais pas que mon oreille,
Suspendue à ta douce voix,
De l'harmonieuse merveille
S'enivre longtemps sous les bois!

Tu ne sais pas que mon haleine
Sur mes lèvres n'ose passer!
Que mon pied muet foule à peine
La feuille qu'il craint de froisser!

Ah! ces douces scènes nocturnes,
Ces pieux mystères du soir,
Et ces fleurs qui penchent leurs urnes
Comme l'urne d'un encensoir,

Et cette voix mystérieuse
Qu'écoutent les anges et moi,
Ce soupir de la nuit pieuse,
Oiseau mélodieux, c'est toi!

Oh! mêle ta voix à la mienne!
La même oreille nous entend;
Mais ta prière aérienne
Monte mieux au Ciel qui l'attend!



Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Charles Gounod
Interprète : Renée Doria

Mendès - Le souvenir d'avoir chanté

Django Reinhardt

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Vinson Cole
Composition : Reynaldo Hahn



Catulle Mendès (1841-1909


Le souvenir d'avoir chanté

Le souvenir d'avoir chanté
Au soleil, sous l'azur céleste,
Est l'infini trésor qui reste
Aux cigales après l'été.

Quel est, vieux gitan éreinté,
Ton recours quand tout te moleste?
Le souvenir d'avoir chanté
Au soleil sous l'azur céleste!

Quand un autre aura ta beauté,
Mésange, et ton rire et ton geste,
Mon coeur, en son ombre funeste,
Gardera, comme une clarté,
Le souvenir d'avoir chanté.



Du même auteur :
Chanson pour Jeanne
Dans la forêt de septembre
L'abandonnée
La fleur qui va sur l'eau
La lettre
Le souvenir d'avoir chanté
Lied

Desbordes-Valmore - Qu'en avez-vous fait


        Marceline Desbordes-Valmore par Martin Drolling

Ecouter la version chantée
Composée et interprétée
par Amram Bitoun Tordjman
- Diffusé par YOUTUBE -

Une autre version
Interprétée par Barbara d'Alcantara
Composée par Julos Beaucarne
- Diffusé par DEEZER -



Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)


Qu'en avez-vous fait

Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur ;
Bonheur pour bonheur !

Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur :

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !...

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.

Et l'on vous dira :
" Personne !... elle est morte. "
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?


Leconte de Lisle - Tyndaris

Ecouter sur DEEZER
Interprétation de Susan Graham
Composition de Reynaldo Hahn
Ecouter sur DEEZER
Interprétation de Renée Doria
Composition de Reynaldo Hahn




Leconte de Lisle - (1818-1894)

Études latines


Tyndaris

Ô blanche Tyndaris, les Dieux me sont amis :
Ils aiment les Muses Latines;
Et l'aneth et le myrte et le thym des collines
Croissent aux prés qu'ils m'ont soumis.

Viens! mes ramiers chéris, aux voluptés plaintives,
Ici se plaisent à gémir;
Et sous l'épais feuillage il est doux de dormir
Au bruit des sources fugitives.


Desbordes-Valmore - Berceuse sur un vieil air

Ecouter sur DEEZER
Composition : Georges Bizet
Interprétation : Béatrice Gobin



Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)


Berceuse sur un vieil air

Si l'enfant sommeille,
Il verra l'abeille,
Quand elle aura fait son miel,
Danser entre terre et ciel.

Si l'enfant repose,
Un ange tout rose,
Que la nuit seule on peut voir,
Viendra lui dire: "bonsoir!"

Si mon enfant m'aime,
Dieu dira lui même:
J'aime cet enfant qui dort:
Qu'on lui porte un rêve d'or.

Mettez lui des ailes,
Comme aux tourterelles
Pour venir dans mon soleil
Danser, danser jusqu'à son réveil.

Fermez ses paupières,
Et sur ses prières,
De mes jardins pleins de fleurs
Faites glisser les couleurs.

Mais je veux qu'il dorme,
Et qu'il se conforme
Au silence des oiseaux
Couchés parmi les roseaux!

Car si l'enfant pleure,
On entendra l'heure
Tinter partout qu'un enfant
A fait ce que Dieu défend.

L'écho de la rue,
Au bruit accourue,
Quand l'heure aura soupiré,
Dira: "l'enfant a pleuré!"

Et sa tendre mère,
Dans sa nuit amère,
Pour son ingrat nourrisson
Ne saura plus hélas! de chanson.

Si l'enfant est sage,
Sur son doux visage
La Vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.


Lamartine - Chant d'amour

                                            Le lac du Bourget

Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Edouard Lalo
Interprète Tassis Christoyannis
Ecouter sur DEEZER
Compositeur : Georges Bizet
Interprète Carole Bogard




Alphonse de Lamartine - (1790-1869)

Méditations poétiques


Chant d'amour

Viens, cherchons une ombre propice,
Jusqu'à l'heure où de ce séjour
Les fleurs fermeront leur calice
Aux regards languissants du jour.
Voilà ton ciel, ô mon étoile!
Soulève, oh! soulève ce voile,
Éclaire la nuit de ces lieux;
Parle, chante, rêve, soupire,
Pourvu que mon regard attire
Un regard errant de tes yeux.

Laisse-moi parsemer de roses
La tendre mousse où tu t'assieds,
Et près du lit où tu reposes
Laisse-moi m'asseoir à tes pieds.
Heureux le gazon que tu foules,
Et le bouton dont tu déroules
Sous tes doigts les fraîches couleurs!
Heureuses ces coupes vermeilles
Que pressent tes lèvres, pareilles
À l'abeille, amante des fleurs!

Si l'onde des lis que tu cueilles
Roule les calices flétris,
Des tiges que ta bouche effeuille
Si le vent m'apporte un débris,
Si ta bouche qui se dénoue
Vient, en ondulant sur ma joue,
De ma lèvre effleurer le bord;
Si ton souffle léger résonne,
Je sens sur mon front qui frissonne
Passer les ailes de la mort.

Souviens-toi de l'heure bénie
Où les dieux, d'une tendre main,
Te répandirent sur ma vie
Comme l'ombre sur la chemin.
Depuis cette heure fortunée,
Ma vie à ta vie enchaînée,
Qui s'écoule comme un seul jour,
Est une coupe toujours pleine,
Où mes lèvres à longue haleine
Puisent l'innocence et l'amour.

Ah! lorsque mon front qui s'incline
Chargé d'une douce langueur,
S'endort bercé sur ta poitrine
Par le mouvement de ton coeur...



Ecouter sur YOUTUBE
Compositeur : Georges Bizet
Interprète : Cecilia Bartoli

La Fontaine - Le Berger et la Mer


              Interprète : Bruno Laplante - Compositeur : Jacques Offenbach





Jean de la Fontaine - (1621-1695)


Le Berger et la Mer

Du rapport d'un troupeau, dont il vivait sans soins,
Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite.
Si sa fortune était petite,
Elle était sûre tout au moins.
À la fin les trésors déchargés sur la plage,
Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau;
Cet argent périt par naufrage.
Son maître fut réduit à garder les Brebis,
Non plus Berger en chef comme il était jadis,
Quand ses propres Moutons paissaient sur le rivage;
Celui qui s'était vu Coridon ou Tircis,
Fut Pierrot, et rien davantage.
Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
Racheta des bêtes à laine;
Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux;
Vous voulez de l'argent, ô Mesdames les Eaux,
Dit-il; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre:
Ma foi vous n'aurez pas le nôtre.

Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité
Pour montrer, par expérience,
Qu'un sou, quand il est assuré,
Vaut mieux que cinq en espérance;
Qu'il se faut contenter de sa condition;
Qu'aux conseils de la Mer et de l'Ambition
Nous devons fermer les oreilles.
Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront.
La Mer promet monts et merveilles;
Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront.



                        Illustration de François Chauveau

Verlaine - Puisque l'aube grandit

        Mathilde Mauté inspiratrice de La Bonne Chanson

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Richard Ankri
Composition : Agustin Barrios Mangoré

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Magali Léger
Composition : Gabriel Fauré


Paul Verlaine - La bonne chanson


Puisque l'aube grandit

Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.

Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !

Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,

Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;

Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.

Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.



Baudelaire - Semper eadem

         Charles Amable Lenoir - The pink rose

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Patrick Janvier
sur une musique de Serge Renard



Charles Baudelaire (1821-1867)


Semper eadem

D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ?
- Quand notre coeur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon coeur s’enivrer d’un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l’ombre de vos cils !


Catulle Mendès - La lettre

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Sabine Revault d'Allonnes
Composition : Jules Massenet



Catulle Mendès (1841-1909


La lettre

Je mets sur le papier luisant,
Que ma tendresse vous destine,
Toute mon âme d'à présent,
Fidèle, assouplie et câline.
Je suis un peu grave, tandis
Que s'allongent les lignes bleues,
Telles de doux myosotis,
Et qui vont parcourir des lieues
Pour vous rejoindre enfin là-bas...
Puis je souris, soudain songeuse,
Avec des paroles tout bas,
En pensant que la voyageuse,
Si sage et froide sous ma main,
Et d'elle longtemps caressée,
Saura vous obliger, demain,
A me donner votre pensée.



Du même auteur :
Chanson pour Jeanne
Dans la forêt de septembre
L'abandonnée
La fleur qui va sur l'eau
La lettre
Le souvenir d'avoir chanté
Lied

Mallarmé - Apparition


Ecouter sur DEEZER
Composition Claude Debussy
Interprétation : Natalie Dessay



Stéphane Mallarmé (1842-1898)


Apparition

La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
- C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au coeur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.


Béranger - Le cinq mai

La mort de Napoléon Ier le 5 mai 1821 par Charles Auguste DE STEUBEN

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Jean-Louis Murat



Pierre Jean de Béranger (1780-1857)


Le cinq mai

Des Espagnols m'ont pris sur leur navire,
Aux bords lointains où tristement j'errais.
Humble débris d'un héroïque empire,
J'avais dans l'Inde exiler mes regrets.
Mais loin du Cap, après cinq ans d'absence,
Sous le soleil, je vogue plus joyeux.
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux,

Dieux ! le pilote a crié Sainte-Hélène !
Et voilà donc où languit le héros!
Bons Espagnols, là s'éteint votre haine;
Nous maudissons ses fers et ses bourreaux
Je ne puis rien, rien pour sa délivrance
Le temps n'est plus des trépas glorieux!
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux.

Peut-être il dort, ce boulet invincible
Qui fracassa vingt trônes à la fois.
Ne peut-il pas, se relevant terrible,
Aller mourir sur la tête des rois ?
Ah ! ce rocher repousse l'espérance
L'aigle n'est plus dans le secret des dieux.
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux.

Il fatiguait la Victoire à le suivre;
Elle était lasse; il ne l'attendit pas;
Trahi deux fois, ce grand homme a su vivre;
Mais quels serpents environnent ses pas!
De tout laurier un poison est l'essence;
La mort couronne un front victorieux.
Pauvre soldat, je reverrai la France;
La main d'un fils me fermera les yeux.

Dés qu'on signale une nef vagabonde,
"Serait-ce lui ? disent les potentats :
"Vient-il encor redemander le monde ?
"Armons soudain deux millions de soldats."
Et lui, peut-être accablé de souffrance,
A la patrie adresse ses adieux.
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux.

Grand de génie et grand de caractère,
Pourquoi du sceptre arma-t-il son orgueil ?
Bien au-dessus des trônes de la terre
Il apparaît brillant sur cet écueil.
Sa gloire est là comme le phare immense
D'un nouveau monde et d'un monde trop vieux.
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux.

Bons Espagnols, que voit-on au rivage ?
Un drapeau noir ! ah, grands dieux, je frémis
Quoi ! lui, mourir ! ô gloire ! quel veuvage !
Autour de moi pleurent ses ennemis.
Loin de ce roc nous fuyons en silence
L'astre du jour abandonne les cieux.
Pauvre soldat, je reverrai la France :
La main d'un fils me fermera les yeux.



Du même auteur :
La mort du diable
La petite fée
Laideur et beauté
Le cinq mai
Le grillon
Le vieux vagabond
Les adieux de Marie Stuart
Ma République
Mon habit
Waterloo

Anna de Noailles - Offrande à Kypris

François Boucher - Venus consolant l'Amour

Ecouter la version chantée
Interprétation : Mireille Delunsch
Composition : Louis Vierne
- Diffusé par DEEZER -



Anna de Noailles (1876-1933)


Offrande à Kypris

Clarté du temps! Kypris au sourire innombrable,
Je t'offre, afin qu'au bras du berger aujourd'hui
Je demeure joyeuse, ardente et désirable,
Ma lampe, confidente aimable de la nuit.

Vois, je t'apporte aussi ces herbes odorantes.
La sauge humide où boit l'abeille dans l'été,
Et le cerfeuil, plus frais aux mains que l'eau courante,
Mêleront leurs parfums d'onde et de crudité.

Mon sein est puéril mais mon coeur est farouche;
Damétas le sait bien à l'heure de l'accord,
Car la flûte est moins vive et chaude sur sa bouche
Que ne l'est mon baiser qui s'appuie et qui mord.

Le soleil de midi couché dans la luzerne
S'abat moins lourdement sur la plaine et les champs,
Que ne pèse l'amour sur les corps qu'il gouverne
De son désir jaloux et de ses jeux méchants.

La paix des jours légers et doux s'en est allée.
Ô Vénus Cypria, qui naquis de la mer,
Je t'offre, à toi qui prends plaisir aux eaux salées,
Les larmes de ma joue et de mon coeur amer.



Du même auteur :
Chanson pour avril
L"automne
Le Repos
Offrande à Kypris
Offrande à Pan
Violons dans le soir

Anna de Noailles - Violons dans le soir

Anna de Noailles par Laszlo

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Philippe Jaroussky
Composition : Camille Saint-Saëns



Anna de Noailles (1876-1933)


Violons dans le soir

Quand le soir est venu, que tout est calme enfin
Dans la chaude nature,
Voici que naît sous l'arbre et sous le ciel divin
La plus vive torture.

Sur les graviers d'argent, dans les bois apaisés,
Des violons s'exaltent.
Ce sont des jets de cris, de sanglots, de baisers,
Sans contrainte et sans halte.

Il semble que l'archet se cabre, qu'il se tord
Sur les luisantes cordes,
Tant ce sont des appels de plaisir et de mort
Et de miséricorde.

Et le brûlant archet enroulé de langueur
Gémit, souffre, caresse,
Poignard voluptueux qui pénètre le coeur
D'une épuisante ivresse.

Archets, soyez maudits pour vos brûlants accords,
Pour votre âme explosive,
Fers rouges qui dans l'ombre arrachez à nos corps
Des lambeaux de chair vive!
Épargne chaque soir le coeur noir de mes yeux.



Du même auteur :
Chanson pour avril
L"automne
Le Repos
Offrande à Kypris
Offrande à Pan
Violons dans le soir

Barbara - Dis, quand reviendras-tu?

Barbara - (c) Pierre Guénin

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Barbara



Barbara - (1930-1997)


Dis, quand reviendras-tu?

Voilà combien de jours, voilà combien de nuits,
Voilà combien de temps que tu es reparti
Tu m'as dit: "Cette fois, c'est le dernier voyage"
Pour nos coeurs déchirés, c'est le dernier naufrage
"Au printemps, tu verras, je serai de retour
Le printemps, c'est joli pour se parler d'amour
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris
Et déambulerons dans les rues de Paris!"

Dis, quand reviendras-tu?
Dis, au moins le sais-tu
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère...
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus!


Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà
Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois
À voir Paris si beau en cette fin d'automne
Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine
Je vais, je viens, je vire, je me tourne, je me traîne
Ton image me hante, je te parle tout bas
Et j'ai le mal d'amour, et j'ai le mal de toi

J'ai beau t'aimer encore, j'ai beau t'aimer toujours
J'ai beau n'aimer que toi, j'ai beau t'aimer d'amour
Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir
Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs
Je reprendrai la route, le monde m'émerveille
J'irai me réchauffer à un autre soleil
Je ne suis pas de ceux qui meurent de chagrin
Je n'ai pas la vertu des femmes de marins


Claudel - Le rendez-vous

La forêt de Brocéliande

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Jean François Gardeil
Composition : Arthur Honegger



Paul Claudel (1868-1955)


Le rendez-vous

Forêt profonde…
Il fait si sombre…
J’entends quelqu’un avec moi qui marmotte
et qui fait des gestes,
Quelle est cette ombre?
La pluie qui tombe.
Le vieillard marche tout noir entre les arbres
gigantesques.

L’oiseau s’est tû.
J’ai trop vécu.
C’est la nuit et non plus le jour.
Fille du ciel
La tourterelle
Chante le désespoir et l’amour.

La mer d’Irlande,
Brocéliande,
J’ai quitté la vague et la grève.
La plainte lourde,
La cloche sourde,
Tout cela n’est plus qu’un rêve.

Bois ténébreux,
Temple de Dieu,
Que j’aime votre silence!
Mais c’est plus beau
Quand de nouveau
S’élève ce soupir immense!

Au fond du monde
La foudre gronde,
Tout est menace et mystère.
Mais plein de goût
Du rendez-vous,
Je marche vers le tonnerre!



Du même auteur :
Ah le monde est si beau
Bruit de l'eau
Brûlure en moi
Comment vous parler de l'automne
Entre ce qui commence ...
J'ai respiré le paysage
Le rendez-vous
Le temps a fui
Sieste